"La danse s’évanouit dans l’instant où elle se donne."

J’avais parfois le sentiment que la danse, surtout le breaking, avait une place à part dans le monde de la culture. Inclassable, elle est art, divertissement, sport ou tout à la fois. L’absence de règles ou d’œuvres supposant quelconque support en était peut-être à l’origine.

Comme écrit Frédéric Pouillaude : “La danse s’évanouit dans l’instant où elle se donne et ne laisse pas même des cendres derrière elle.” Ses formes peuvent être capturées par le médium vidéo et/ou les notations du mouvement de Benesh, certes, mais existe-t-il “un lieu où les œuvres chorégraphiques trouveraient à se conserver, identiques à elles-mêmes ?”

Inspiré par le Gutaï (Kazuo Shiraga), l’Action Painting (Jackson Pollock), les calligraphies géantes de Fabienne Verdier ou encore Violin Phase d’Anne Teresa De Keersmaeker, je cherche à saisir l’empreinte et l’énergie des gestes Hip-hop.

J’ai toujours eu un rapport à la vitesse d’exécution et à la trace. Mes pas de danse préférés, appelés "fluidités", se distinguent par des frottements vifs des jambes au sol. Si bien que mes chaussures y laissaient sans cesse des marques. L’envie m’est alors venue de les matérialiser. Imitant un.e calligraphe, j’exécute mes mouvements sur le support au sol, après avoir baigné mes chaussures dans l’encre ou d’autres médiums. Les formes dessinées par le frottement des chaussures ressemblent à des lettres ; l’encre enregistre les traces d’un acte créatif déjà révolu. En résulte un système graphique, sorte d’alphabet, avec une logique et un répertoire de formes propres. Les œuvres sont triples : plastiques, performatives et mises en abîmes par la vidéo.

Le spectateur face à l’œuvre fait l’expérience délicate de tracés simples qui composent une graphie complexe. Il observe et apprécie l’énergie des mouvements saisie en deux dimensions.

"Dance vanishes in the instant it is given"

I occasionally felt that dance, especially breaking, had quite a special place within the art world. This discipline is unique and fascinating yet elusive. It may be due to a lack of tangible productions. Dance could be defined as art, entertainment, sport or all at once.

As Frédéric Pouillaude writes: "Dance vanishes in the instant it is given and leaves barely no trace." Living art entails shows, choreographies, videos and Laban and Benesh movement notations, yes, but what about visual artworks?

Inspired by the Gutai (Kazuo Shiraga), Action Painting (Jackson Pollock), Fabienne Verdier's calligraphies or Anne Teresa De Keersmaeker's Violin Phase, I seek to capture the imprint and energy of breaking movements.

My preferred steps are recognizable by very fast motions of the legs, called footworks. So much so that the shoes were often leaving marks on the floor while I was dancing. Interested by the forms of those marks, I came up with an idea: utilizing the body in motion as a drawing tool. Mop-slippers soaked in ink and attached to the shoes serve as a brush, enabling me to capture the energy of the mouvements across large surfaces. In other words, I create movement-made artworks, not that dissimilar from Zen painting. It all results in a graphic system, a sort of alphabet.

Art maps the energy of the moves.